Bien manger pour mieux vivre : alimentation et diabète au Sénégal

Nutritionniste à Dakar, découvrez comment une alimentation anti-inflammatoire (mil, fonio, légumes, poisson) prévient et maîtrise le diabète de type 2.

Amina D

4/23/202521 min read

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Le diabète de type 2, souvent qualifié de « diabète lié à l’alimentation », est en forte progression au Sénégal. Or, nos choix alimentaires quotidiens peuvent être à la fois nos meilleurs alliés et nos pires ennemis face à cette maladie. Dans cet article nous mettrons un accent particulier sur le contexte sénégalais : quelles habitudes locales posent problème, et quelles solutions accessibles pouvons-nous adopter tout en respectant notre culture culinaire ?

Nous verrons d’abord simplement comment fonctionne le diabète de type 2. Ensuite, nous passerons en revue les habitudes alimentaires actuelles au Sénégal qui favorisent l’inflammation chronique et le déséquilibre de la glycémie. Enfin, nous proposerons des changements concrets – et réalistes – vers une alimentation anti-inflammatoire, avec des idées de menus adaptés à nos produits locaux. L’objectif : initier une prise de conscience collective optimiste, en valorisant la richesse de notre alimentation traditionnelle. Bonne lecture !

Introduction : Le lien vital entre alimentation et diabète

Le dicton « nous sommes ce que nous mangeons » prend tout son sens lorsqu’il s’agit du diabète. Dans le diabète de type 2, notre régime alimentaire joue un rôle clé dans le développement comme dans la gestion de la maladie. Manger trop gras ou trop sucré sur le long terme peut fatiguer notre organisme et dérégler la régulation du sucre sanguin. À l’inverse, adopter une alimentation équilibrée peut aider à prévenir le diabète, ou à mieux le contrôler si on en est atteint.

Au Sénégal, de plus en plus de familles sont touchées par le diabète. De récents rapports soulignent que l’alimentation fait partie des causes majeures de cette augmentation. En effet, nombre de nos plats et boissons préférés – du riz blanc bien huileux au café Touba très sucré – peuvent, consommés en excès, contribuer à l’apparition du diabète. Comprendre ce lien entre ce que nous mangeons et notre santé est donc primordial. La bonne nouvelle, c’est qu’en changeant nos habitudes alimentaires, nous avons un pouvoir d’action pour préserver notre santé. Mais avant de voir comment agir, il est utile de comprendre ce qu’est réellement le diabète de type 2 et comment il fonctionne dans notre corps.

Comprendre simplement le diabète de type 2

Le diabète de type 2 est une maladie chronique liée au niveau de sucre (glucose) dans le sang. Pour expliquer simplement, on peut comparer le sucre à un carburant pour nos cellules, et l’insuline à une clé qui permet au sucre d’entrer dans les cellules. Chez une personne en bonne santé, lorsque le taux de sucre dans le sang augmente (après un repas par exemple), le pancréas fabrique de l’insuline. Cette hormone va agir comme une clé ouvrant les portes des cellules, permettant au sucre de passer du sang vers les cellules qui en ont besoin pour produire de l’énergie. Résultat : la glycémie (le taux de sucre sanguin) redescend à un niveau normal.

Dans le diabète de type 2, ce mécanisme se dérègle progressivement. Soit le pancréas ne produit pas assez d’insuline, soit (et c’est le cas le plus fréquent) les cellules deviennent résistantes à l’action de l’insuline. Pour reprendre notre image, c’est comme si la serrure s’était grippée : la clé (insuline) a du mal à ouvrir la porte des cellules. Conséquence, le sucre reste bloqué dans le sang au lieu d’entrer correctement dans les cellules. Le taux de sucre sanguin reste alors trop élevé en permanence : on parle d’hyperglycémie chronique.

Ce surplus de sucre dans le sang est néfaste à long terme. Il peut endommager peu à peu divers organes : les vaisseaux sanguins (augmentant le risque de maladies cardiaques), les reins, les yeux, les nerfs… C’est pourquoi un diabète mal contrôlé peut entraîner des complications graves (insuffisance rénale, problèmes de vue, plaies qui guérissent mal, etc.). Mais rassurez-vous, il est possible d’agir en amont ! Le diabète de type 2 est fortement lié à notre mode de vie : sédentarité (manque d’exercice) et surtout alimentation inappropriée. En adoptant de meilleures habitudes, on peut retarder son apparition, ou mieux équilibrer sa glycémie si on est déjà diabétique.

Voyons maintenant plus concrètement comment l’alimentation peut favoriser (ou au contraire freiner) le diabète, en examinant ce que l’on mange souvent chez nous au Sénégal.

Habitudes alimentaires au Sénégal : ce qui favorise le diabète

Au Sénégal, la cuisine est riche en saveurs… mais hélas parfois trop riche tout court du point de vue nutritionnel. Certaines habitudes alimentaires courantes peuvent entretenir une inflammation discrète dans le corps et déséquilibrer la glycémie au fil du temps. Identifions ces habitudes à risque pour mieux les modifier ensuite :

  • Riz blanc à chaque repas ou presque : Le riz blanc est l’aliment de base dans de nombreux foyers sénégalais. Qu’il soit servi en thiéboudiène (riz au poisson) ou en ceebu yapp (riz à la viande), il occupe souvent la moitié (voire plus) de notre assiette. Problème : le riz blanc a un indice glycémique élevé, c’est-à-dire qu’il fait monter le taux de sucre sanguin rapidement après le repas. Plus l’ascension de la glycémie est rapide, plus le pancréas doit libérer de l’insuline en grande quantité – ce qui, à la longue, épuise le pancréas et aggrave la résistance à l’insuline. Par ailleurs, ces plats de riz sont souvent accompagnés de sauces bien grasses et de peu de légumes, ce qui déséquilibre encore plus la balance nutritionnelle.

  • Pain blanc et produits raffinés : En ville surtout, le pain blanc (baguette) a presque remplacé le petit déjeuner traditionnel. Tartinée de margarine ou de chocolat à tartiner, la baguette apporte essentiellement des glucides simples (farine blanche) qui élèvent vite la glycémie. De même, les pâtes blanches et autres féculents raffinés se digèrent rapidement et provoquent des pics de sucre. Ces sucres cachés dans les farines raffinées agissent en silence : on ne les perçoit pas comme du « sucré », pourtant l’organisme les transforme en glucose tout aussi vite que du sucre de table. Consommés en grande quantité et trop fréquemment, pain blanc et riz blanc favorisent un excès calorique et les réserves de graisses, en particulier au niveau abdominal – facteur de risque connu pour le diabète de type 2.

  • Trop d’huile de cuisson : Nos papilles adorent le goût des fritures et des sauces huilées. Beaucoup de plats typiques (le fameux thiéboudiène par exemple) contiennent une quantité importante d’huile de cuisson. L’huile de palme rouge ou les huiles végétales raffinées sont utilisées généreusement pour faire revenir les ingrédients et donner du goût. Or, ces graisses en excès surchargent notre organisme. Une alimentation trop grasse contribue au surpoids et peut induire un état d’inflammation chronique dans le corps. Cette inflammation, bien que discrète, perturbe le fonctionnement de l’insuline. De plus, l’huile de palme particulièrement, riche en graisses saturées, a été associée à une diminution de la sensibilité à l’insuline et à un risque cardiovasculaire accru. En clair, mettre trop d’huile dans nos marmites, c’est prendre le risque à long terme de voir monter sucre sanguin, cholestérol et tension artérielle. Comme le souligne un rapport récent, de nombreux plats sénégalais sont cuisinés avec des quantités excessives d’huile, ce qui peut engendrer des problèmes métaboliques.

  • Bouillons industriels salés : L’utilisation quasi systématique de bouillons cubes (de type Jumbo, Maggi, etc.) pour rehausser la saveur des plats pose un autre problème de taille : une surconsommation de sel. Ces bouillons industriels sont très chargés en sodium. Par exemple, le plat national thiéboudiène en contient souvent plusieurs cubes. Un excès de sodium peut favoriser l’hypertension artérielle, qui souvent accompagne le diabète au sein du syndrome métabolique. Hypertension et diabète forment un duo redoutable pour le cœur et les reins. Or, on le sait moins, mais trop de sel peut aussi perturber le métabolisme du glucose. En outre, les bouillons contiennent des additifs qui n’apportent rien de bon sur le plan nutritif. Mieux vaudrait limiter ces exhausteurs de goût et revenir à des épices naturelles.

  • Boissons sucrées omniprésentes : Difficile de refuser un verre de bissap bien sucré lors d’une fête, un thé attaya parfumé à la menthe, ou encore un café Touba bien serré – agrémenté de trois cuillerées de sucre ! Au Sénégal, les boissons sucrées font partie intégrante de la convivialité et des pauses de la journée. Le problème est qu’on ne compte pas toujours le sucre qu’elles apportent. Un thé attaya préparé à la sénégalaise contient une quantité impressionnante de sucre pour une petite théière. Idem pour le café Touba traditionnel. Sans parler des sodas et jus industriels de plus en plus consommés en ville. Cette consommation régulière de boissons sucrées contribue à un apport calorique excessif et à des pics glycémiques répétés. C’est un terreau fertile pour le surpoids, la résistance à l’insuline et donc, le diabète. Boire sucré plusieurs fois par jour entretient également une sensation de soif (le sucre appelle le sucre), pouvant créer un cercle vicieux.

  • Moins de fibres et de nutriments protecteurs : Parallèlement à ces excès, notre alimentation s’est appauvrie en certains éléments protecteurs. Les légumes frais et les fruits locaux (mangues, oranges, bouye de baobab, ditakh, etc.) sont parfois relégués au second plan ou consommés en faible quantité au quotidien. Or, ils fournissent des fibres (qui ralentissent l’absorption du sucre) ainsi que des antioxydants et vitamines qui réduisent l’inflammation. De même, les légumes secs (niébé – ou haricot cornille –, pois bambara, etc.), traditionnellement présents dans nos cuisines, sont de moins en moins cuisinés au profit de viandes ou de féculents raffinés. Ce recul d’aliments riches en fibres et bons nutriments au profit d’aliments ultra-transformés et raffinés déséquilibre notre flore intestinale et nos mécanismes hormonaux. Le résultat ? Notre corps est moins bien armé pour gérer les sucres et les graisses, d’où un risque accru de diabète.

En résumé, le mode alimentaire actuel de beaucoup de Sénégalais se caractérise par trop de sucres rapides, trop de mauvaises graisses, trop de sel, et pas assez de fibres. Ajoutez à cela un mode de vie de plus en plus sédentaire en ville, et vous obtenez un cocktail propice à l’explosion des cas de diabète. Ces constats peuvent faire un peu peur, mais rassurez-vous : il existe des solutions simples et accessibles pour inverser la tendance, sans renier notre identité culinaire. Dans la section suivante, nous verrons comment adapter notre alimentation pour qu’elle devienne notre alliée anti-diabète.

Une scène de marché ouest-africain : au lieu de privilégier le riz blanc et les produits transformés, une alimentation saine met l’accent sur les légumes frais, les tubercules et céréales locales. Au Sénégal, nos marchés regorgent de légumes colorés (carottes, patates douces, poivrons, concombres, etc.) riches en fibres et vitamines, qu’il faut encourager à mettre au menu quotidien.

Manger mieux pour lutter contre le diabète : des changements concrets et locaux

Bonne nouvelle : nul besoin de produits exotiques ou de dépenses exorbitantes pour manger sainement ! Le Sénégal dispose d’une richesse alimentaire locale qu’il suffit de redécouvrir et de valoriser. Une alimentation équilibrée et anti-inflammatoire est tout à fait compatible avec nos produits du terroir, nos recettes et nos traditions familiales. Voici des propositions concrètes et réalistes de changements alimentaires bénéfiques, accessibles localement :

  • Privilégier les céréales locales à index glycémique bas : Au lieu de consommer du riz blanc à tous les repas, diversifions nos féculents. Le mil (millet) et le fonio sont deux céréales africaines ancestrales, cultivées au Sénégal, qui gagnent à être mises au menu plus souvent. Elles ont un indice glycémique plus faible que le riz blanc, ce qui signifie qu’elles élèvent moins rapidement la glycémie. Selon une large étude, le millet permet d’avoir des taux de sucre sanguin plus bas comparé au riz ou au blé raffiné. Quant au fonio, surnommé le « riz du pauvre », il est riche en fibres et en nutriments (magnésium, zinc…) ; cette particularité en fait un aliment recommandé pour les personnes diabétiques ou en surpoids. Concrètement, on peut remplacer une partie du riz blanc par du couscous de mil (appelé thiéré) ou par du fonio, une à deux fois par semaine pour commencer. Le maïs local (par exemple en gruau ou en couscous de maïs) et le sorgho sont d’autres alternatives intéressantes. Ces céréales traditionnelles ont nourri nos aïeux et reviennent sur le devant de la scène grâce à leurs vertus nutritionnelles. Elles calent bien l’estomac tout en évitant les pics de glycémie, ce qui réduit la sollicitation de l’insuline.

  • Augmenter la part de légumes dans l’assiette : Pour chaque plat, pensons à ajouter plus de légumes que d’habitude, et variés si possible. Par exemple, dans un thiéboudiène, on peut augmenter les morceaux de carotte, chou, manioc, aubergine et patate douce, et diminuer un peu la quantité de riz servie. Idéalement, visualisez votre assiette idéale ainsi : la moitié de l’assiette en légumes, un quart en féculent (riz/mil/fonio/maïs) et un quart en protéine (poisson, viande maigre ou légumineuse). Les légumes (qu’ils soient crus en salades, ou cuits à la vapeur, à l’eau, sautés avec peu d’huile) apportent fibres, eau et minéraux, ce qui aide à contrôler la glycémie et à réduire l’inflammation. Les légumes locaux ne manquent pas : gombo (excellent en sauce, riche en fibres solubles), feuilles vertes comme le lalo (feuilles de baobab) ou le nebeday (feuilles de moringa) à incorporer dans les soupes, niébé (haricots) à ajouter dans le riz pour un plat complet, courge, navet, etc. Si vous n’êtes pas habitué à consommer beaucoup de légumes, introduisez-les progressivement : par exemple, commencez par ajouter une salade de crudités (carotte râpée, concombre, tomate…) en entrée au déjeuner chaque jour. Ou croquez un petit morceau de concombre ou de carotte en apéritif au lieu de chips. Petit à petit, votre palais va s’y faire et vous en redemanderez.

  • Adopter des modes de cuisson plus sains : La manière de cuisiner compte autant que le choix des aliments. Pour préserver les nutriments et éviter d’ajouter des graisses inutiles, favorisez la cuisson à la vapeur, à l’eau, au four ou au gril, plutôt que la friture systématique. Par exemple, on peut cuire le poisson du thiéboudiène au four ou à la vapeur avec des herbes, au lieu de le frire dans l’huile. Les légumes vapeur gardent leurs vitamines et croquant sans nécessiter d’huile ni trop de sel. Si vous préparez une sauce, essayez de réduire la quantité d’huile utilisée : une à deux cuillerées peuvent suffire si on relève bien avec des épices. N’hésitez pas à aromatiser avec de l’ail, de l’oignon, du poivre, du laurier, du netétou (graines de néré fermentées, un condiment traditionnel) pour donner du goût sans excès de bouillon cube. Astuce : investissez dans un couscoussier (ou un panier en osier) pour cuire à la vapeur céréales et légumes en même temps que la sauce mijote en dessous – un gain de temps et de santé !

  • Opter pour des graisses de meilleure qualité et en petite quantité : Il n’est pas question de bannir complètement l’huile ou le gras, car notre corps en a besoin en petites quantités. En revanche, choisissez bien vos huiles. Au Sénégal, l’huile d’arachide non raffinée (production artisanale) est une excellente option locale : elle est riche en acides gras insaturés (bénéfiques pour le cœur) et en vitamine E, et elle a beaucoup de goût, ce qui permet d’en utiliser moins. Elle supporte aussi assez bien la cuisson. On peut aussi varier avec un peu d’huile de sésame (si disponible) ou d’huile de maïs. L’essentiel est de limiter les graisses saturées : réduisez l’usage de l’huile de palme rouge (très saturée) et évitez les margarines hydrogénées. Préférez les huiles végétales insaturées locales aux graisses animales ou huiles tropicales saturées. Concrètement, dans vos recettes, essayez de diminuer de moitié la quantité d’huile habituelle : votre plat n’en sera pas moins bon si vous compensez par des épices et une cuisson plus douce. Pensez aussi aux méthodes comme le grillade ou le rôtissage qui ne nécessitent pas d’ajout de matières grasses (par exemple, des arachides grillées à sec au four pour apporter du croquant dans une salade). En assaisonnement, une petite cuillerée d’huile d’olive ou d’arachide crue sur des légumes vapeur suffira amplement à les parfumer.

  • Réduire le sucre, sans renoncer au goût : Comment imaginer un attaya ou un bouye sans sucre ? Pas simple, on le reconnaît. Cependant, il est possible de réduire progressivement la quantité de sucre ajouté dans les boissons et desserts, pour rééduquer son palais. Si vous mettiez 3 morceaux de sucre dans votre thé, passez à 2 pendant quelques semaines, puis à 1. Idem pour le café Touba, essayez de le savourer avec un peu moins de sucre qu’à l’accoutumée. Pour les jus locaux (bissap, gingembregingembre –, tamarin, bouye…), diminuez le sucre lors de la préparation et misez sur les épices pour relever (un soupçon de menthe dans le jus de bissap, de la muscade dans le bouye, etc.). Vous pouvez aussi adoucir naturellement avec un peu de jus de fruit sucré (par exemple, du jus d’orange dans le bissap pour moins devoir sucrer). En parallèle, augmentez votre consommation d’eau plate, fraîche ou tempérée, éventuellement aromatisée de quelques feuilles de menthe ou rondelles de citron pour lui donner du peps. L’eau doit redevenir notre boisson principale au quotidien, à la place des boissons sucrées. Et pourquoi pas finir le repas par une infusion (kinkeliba, menthe, bissap chaud…) non sucrée, histoire de bien s’hydrater et de se déshabituer du goût sucré en bouche en fin de repas ? C’est un défi, mais vos papilles s’ajusteront en quelques semaines.

  • Incorporer plus de protéines végétales et maigres : La viande rouge grasse et les charcuteries ne devraient être que des aliments occasionnels. Pour un meilleur équilibre, tournons-nous davantage vers les protéines végétales et les viandes maigres. Par exemple, les légumineuses (niébé, pois bambara, lentilles, pois chiches) sont riches en protéines et en fibres, très rassasiantes et économiques. Un ndambé (ragout de niébé) peut tout à fait servir de plat principal nutritif, surtout s’il est cuisiné avec peu d’huile et accompagné de légumes. Les poissons sont une autre richesse du Sénégal : privilégiez-les autant que possible, ils apportent de bonnes graisses (omega-3 dans les poissons gras comme la sardinelle, le thon, etc.) et sont généralement plus maigres que la viande. Préférez les cuire au four, braisés ou en sauce tomate légère plutôt que panés/frits. Le poulet (sans la peau) est également une source de protéine plus maigre que le mouton par exemple. En remplaçant une partie des protéines animales grasses par des légumineuses ou du poisson, on réduit l’apport en graisses saturées et on augmente l’apport en fibres, ce qui aide au contrôle du diabète.

  • Redécouvrir les fruits locaux : Plutôt qu’un dessert industriel ou une pâtisserie sucrée, pourquoi ne pas opter plus souvent pour un fruit frais de saison ? La nature nous gâte : mangues juteuses, oranges et mandarines, pastèques en saison chaude, ditakhs acidulés, citrons doux, sans oublier les fruits du baobab (bouye) qu’on peut consommer en jus léger ou en poudre dans un yaourt… Les fruits apportent le sucre naturel fructose accompagné de fibres, ce qui modère leur impact sur la glycémie par rapport à un gâteau ou bonbon. Ils fournissent en prime des vitamines (vitamine C, carotènes…) et des antioxydants bénéfiques. Attention toutefois à ne pas en abuser : un diabétique devrait consommer les fruits entiers (plutôt qu’en jus) et raisonnablement (1 fruit à la fois, deux à trois fruits par jour maximum, en les espaçant dans la journée)​. Un petit fruit en collation à 10h ou au goûter remplace avantageusement une viennoiserie. Le soir, une demi-mangue ou une orange en dessert, c’est suffisant pour terminer le repas sur une note sucrée mais saine.

  • Faire attention aux portions : Même avec de bons aliments, l’excès peut poser problème. Une astuce simple est d’utiliser une assiette plus petite ou de se servir une portion individuelle (plutôt que de piocher à volonté dans le grand bol commun, au risque de perdre le compte de ce qu’on mange). Remplissez d’abord votre assiette de légumes, puis ajoutez une portion modérée de féculent et de protéine. Mangez lentement, afin de laisser le temps à la satiété d’arriver. Vous constaterez qu’on est souvent rassasié avec moins de nourriture qu’on ne le pense. Évitez de vous resservir systématiquement. Si vous avez encore faim, complétez par un verre d’eau et attendez un peu, ou prenez un fruit plus tard. Écouter ses sensations est la clé : savoir distinguer la faim de l’envie gourmande ou de l’habitude. En famille, on peut encourager chacun à composer son assiette équilibrée. Pour les repas en bol communautaire (très ancrés dans nos habitudes), servez-vous mentalement votre « part » raisonnable et essayez de vous y tenir, en laissant suffisamment de légumes et de poisson pour tous.

En appliquant ces changements petit à petit, on peut arriver à une alimentation anti-inflammatoire c’est-à-dire qui diminue l’état d’irritation permanente du corps. Une telle alimentation, riche en fibres, vitamines, bonnes graisses et pauvre en sucres rapides, aide à stabiliser la glycémie au quotidien. Elle soulage le pancréas, améliore la sensibilité des cellules à l’insuline, et peut même entraîner une perte de poids modérée si vous étiez en surpoids – autant de facteurs qui vont dans le bon sens pour prévenir ou mieux vivre le diabète.

Et n’oublions pas l’autre pilier du mode de vie : bouger. Une bonne alimentation va de pair avec l’activité physique régulière (marche, danse, sport, ménage actif, jeux avec les enfants…) pour un impact maximal sur la santé. Mais cela mériterait un article à part entière !

Des idées de menus équilibrés et sénégalais

On peut craindre qu’« alimentation saine » rime avec plats tristes ou rupture avec nos repas traditionnels. Il n’en est rien. Voici quelques idées de menus équilibrés, ancrés dans le terroir sénégalais, pour illustrer qu’il est possible de se faire plaisir tout en mangeant sainement :

  • Petit déjeuner : Pourquoi pas une bouillie de mil (rouye) légèrement sucrée au miel avec du lait écrémé, parsemée de quelques éclats de noix de cajou ? Le mil rassasie bien jusqu’à midi sans pic glycémique brutal. Si vous êtes adepte du pain, optez pour un pain complet (certaines boulangeries en proposent, ou mélangez farine de blé et de mil à la maison) tartiné d’une couche fine de beurre de cacahuète naturel plutôt que de confiture ou de pâte chocolatée. Accompagnez d’un jus naturel sans sucre ajouté : par exemple un jus de bissap maison coupé avec du jus d’orange, ou un verre de lait de mil (lait artisanal à base de millet). Et bien sûr, du café Touba ou du thé, mais en réduisant le sucre.

  • Déjeuner : Vous pouvez revisiter le traditionnel thiéboudiène. Préparez-le avec moitié moins d’huile, ajoutez des haricots niébé dans le riz pour augmenter la part de protéines végétales, et servez-vous une belle portion de légumes (carotte, chou, manioc, courge) avec un morceau de poisson. Limitez le riz blanc à une petite mound (boule) dans votre assiette. En entrée, commencez par une salade de concombres et tomates au jus de citron et à la menthe, sans mayonnaise. Une autre idée : un plat de couscous de mil (thiéré) aux légumes et aux pois chiches, accompagné de poulet grillé citronné. En boisson, de l’eau ou de l’eau de coco fraîche (peu sucrée et riche en minéraux) fera l’affaire. En dessert, un fruit de saison frais (une tranche de pastèque bien fraîche ou une mangue) comblera votre envie de sucré naturellement.

  • Goûter / collation : Au lieu des biscuits ou viennoiseries, pensez aux fruits secs et oléagineux. Par exemple, une petite poignée d’arachides grillées (non salées de préférence) ou de noix de cajou, accompagnée d’un thé vert à la menthe (sans sucre ou très peu). Ou encore, un yaourt nature (lait caillé local) avec une cuillère de poudre de baobab (bouye) pour sucrer et enrichir en calcium. Une autre option savoureuse : quelques dattes avec modération (2–3) associées à une infusion de kinkeliba. Ces collations apportent de l’énergie sans faire flamber la glycémie, et fournissent de bons nutriments (calcium, bonnes graisses, etc.).

  • Dîner : Le soir, privilégiez un repas léger. Par exemple, une soupe de légumes variés (patate douce, carotte, oignon, courgette, épinards…) mixés, épaissie avec une petite poignée de lentilles corail, servie avec un filet de poisson grillé ou cuit en papillote. Vous pouvez ajouter un petit épi de maïs grillé ou une galette de mil pour accompagner. Sinon, un yassa de poulet préparé avec très peu d’huile et beaucoup d’oignons, citron et carottes râpées peut être délicieux : accompagnez-le de fonio plutôt que de riz, pour changer. Terminez par une tisane non sucrée ou un demi-verre de lait tiède.

Ces exemples ne sont évidemment pas exhaustifs, mais ils montrent qu’on peut adapter nos recettes préférées. L’important est de garder un équilibre : toujours des légumes, une portion modérée de féculents de préférence complets, une protéine maigre ou végétale, et peu de produits gras/sucrés. N’hésitez pas à innover en cuisine, à tester de nouvelles recettes allégées en sucre et en gras. Impliquez la famille dans ce changement : cuisiner ensemble de nouveaux plats à base de céréales locales peut être ludique et valorisant.

Préserver la convivialité et la culture du partage

Au Sénégal, le repas est un moment sacré de partage et de convivialité. On peut légitimement se demander : ces changements alimentaires ne risquent-ils pas de bouleverser nos traditions ? Bien au contraire, ils peuvent s’y intégrer harmonieusement, et même revitaliser certaines pratiques ancestrales plus saines.

  • Le bol familial : Manger en commun autour d’un grand bol est une tradition qui renforce les liens familiaux. Pour la préserver tout en mangeant équilibré, rien n’empêche de préparer le bol avec plus de légumes et moins de riz. Les aînés peuvent donner l’exemple en se servant davantage en légumes et poisson qu’en riz, montrant ainsi aux plus jeunes la bonne proportion. Partager un repas sain est encore mieux pour la famille qu’un repas riche en calories vides ! De plus, on peut garder la notion de partage en coupant ensemble fruits et pastèque en dessert pour tout le monde, par exemple.

  • L’importance du goût et du plaisir : Il ne faut surtout pas sacrifier le plaisir gustatif, au risque de voir ces bonnes habitudes abandonnées rapidement. Heureusement, la cuisine sénégalaise traditionnelle recèle de trésors de saveurs qui sont excellents pour la santé. Le thiéboudiène traditionnel tel qu’il était fait par nos grands-mères contenait finalement beaucoup de légumes variés, du poisson frais, du yet (coquillage séché) pour le goût umami, du netétou comme condiment – des ingrédients naturels et sains. C’est l’évolution moderne qui a augmenté la quantité de riz et d’huile. Revenir à l’authenticité du plat, c’est retrouver un équilibre. De même, nos tisanes locales (kinkeliba, ditakh, infusion de feuilles de corossol…) sont délicieuses et thérapeutiques, à condition de ne pas trop les sucrer. On peut donc faire rimer plaisir culinaire et santé, en valorisant les épices (poivre de Sélim, soumbala, etc.) et les produits frais.

  • Respecter les contraintes de chacun : Dans une famille, tout le monde n’a pas les mêmes besoins. Si un membre est diabétique, il bénéficiera de ces changements, mais les autres aussi en tireront profit pour prévenir la maladie plus tard. Ces conseils alimentaires sont valables pour tous, avec quelques adaptations (un enfant ou un adolescent en croissance pourra prendre une portion de féculent un peu plus grande, par exemple). En faisant évoluer l’ensemble de la famille vers de meilleures habitudes, on évite de stigmatiser la personne diabétique avec un « régime à part ». Au contraire, on crée une dynamique collective positive. Manger sain peut devenir un projet familial, tout comme faire du sport ensemble. Pourquoi ne pas instaurer, par exemple, un jour par semaine « sans boisson sucrée » pour tout le monde, ou un défi en famille pour cuisiner le plat traditionnel le moins gras possible ?

  • Le poids des traditions culinaires : Il est intéressant de noter que certaines pratiques traditionnelles étaient plus saines qu’on ne le pense. Par exemple, autrefois, le mil et le maïs occupaient une place importante, le sucre raffiné était rare (on utilisait plutôt du miel ou aucun sucrant dans le thé), et les en-cas étaient souvent des fruits (pensez aux casse-croûte de pain de singe – bouye – que prenaient les écoliers d’antan). Remettre à l’honneur ces traditions culinaires, c’est non seulement bon pour la santé, mais aussi pour la préservation de notre patrimoine culturel. On peut en être fier ! Valoriser la richesse de l’alimentation locale traditionnelle revient à redécouvrir des saveurs parfois oubliées (céréales anciennes, recettes de grand-mère) et à en être les ambassadeurs pour la jeune génération.

Conclusion : Un effort collectif optimiste

La lutte contre le diabète de type 2 par l’alimentation est un défi de santé publique, mais aussi un défi collectif et culturel. Au Sénégal, où la dimension communautaire de la vie est très forte, chaque changement individuel peut inspirer les autres. Imagions des voisins qui s’échangent des recettes de thiakry (couscous de mil) sans sucre, des marchands qui proposent du pain enrichi en mil plutôt que la baguette blanche classique, des écoles qui sensibilisent les enfants à manger des fruits à la récréation au lieu des bonbons… C’est tout un écosystème à construire pour faciliter ces nouvelles habitudes.

Les bénéfices en valent la peine : une population en meilleure santé, moins de dépenses de santé liées aux complications du diabète, et une qualité de vie améliorée pour nos proches diabétiques. Chacun de nous a un rôle à jouer. Que vous soyez parent, restaurateur, agriculteur ou simple consommateur, vous pouvez contribuer à ce mouvement. Par exemple, en achetant plus de mil et de fonio, on encourage aussi les agriculteurs locaux à en produire davantage, ce qui peut faire baisser les prix et rendre ces céréales plus accessibles à tous. En cuisinant sainement en famille, on éduque les enfants par l’exemple. En parlant autour de vous des bienfaits de tel aliment local, vous participez à changer les mentalités.

Gardons un ton optimiste : le changement est déjà en marche. Des initiatives voient le jour, comme des programmes de sensibilisation nutritionnelle (via le mobile avec mDiabète par exemple) ou des projets de jardins communautaires urbains pour avoir des légumes frais. La richesse de l’alimentation traditionnelle sénégalaise est un atout formidable : nous avons juste à la dépoussiérer et l’adapter à notre mode de vie actuel. En combinant sagesse d’hier et connaissances d’aujourd’hui, nous pouvons créer une culture alimentaire qui allie plaisir, partage et santé.

En conclusion, oui, l’alimentation a des effets bénéfiques et néfastes sur le diabète – à nous de faire pencher la balance du bon côté. Chaque repas est une occasion de prendre soin de soi et de ses proches. Mangeons mieux pour vivre mieux, tout simplement. Et souvenons nous que la prévention du diabète commence dans nos cuisines et sur nos marchés, le sourire aux lèvres et la main tendue pour partager un fruit. C’est ensemble, dans la joie et la solidarité, que nous construirons un avenir où le diabète recule face à la santé retrouvée. Bon appétit, dans le respect de notre corps et de nos traditions !